« PD » une B.O. électrisante pour un film choc – Interview d’Olivier Lallart (réalisateur) & Mekias (musique)

« PD » une B.O. électrisante pour un film choc – Interview d’Olivier Lallart (réalisateur) & Mekias (musique)

Le 27 décembre dernier, était mis en ligne sur Youtube, le moyen métrage « PD ». Derrière ce titre évocateur, Olivier Lallart, jeune réalisateur passionné, habitué des scénarios percutants et pédagogiques, nous offre une véritable ode à la tolérance, destinée aux collégiens et lycéens mais pas uniquement. Une soirée arrosée, un baiser volé et c’est le monde de Thomas, 17 ans, qui s’effondre. Étiqueté « pédé» par tout le lycée, il commence alors une longue et sombre descente vers la solitude, menée par les moqueries, humiliations verbales et physiques. L’intervention d’un professeur bienveillant permettra t’elle à Thomas de s’assumer, à ses camarades d’avoir une vision moins ignorante et prendre conscience de ce que l’homophobie peut amener comme souffrance ? Quant à Esteban, le rebelle de la classe, trouvera t’il lui aussi la force d’exposer au grand jour ses désirs cachés ? En 35 minutes, le réalisateur déstructure le terme « PD », trop souvent utilisée comme insulte banale au même titre que « connard » ou « bâtard » et dénonce ainsi l’homophobie «ordinaire » dans les nouvelles générations. Mais bien au delà, grâce au jeu d’acteur d’une absolue justesse des jeunes Paul Gomérieux (Thomas) et Jacques Lepesqueur (Esteban), Marc Riso (le professeur) et toute l’équipe, ce film met en avant les divers ressentis et émotions auxquels nos ados sont quotidiennement confrontés et souvent ignorés des adultes qui les entourent : l’amitié, l’attirance, la haine, la violence, la peur, le déni, la solitude, le questionnement, l’acceptation, portés par un bande son qui sublime la photographie.

Après 4 grands prix remportés, près de 1,7 Millions de vues Youtube en 1 mois, une projection à l’Assemblé Nationale en tant que « Film d’utilité publique » et des messages positifs du monde entier, c’est aujourd’hui une pléiade de chroniques et d’articles élogieux qui défilent chez nos confrères de Télérama, Les Inrocks, Huffingtonpost, Têtu, Fun Radio, France Info, France Inter, France Télévision et déjà dans la presse internationale!! « PD », c’est donc un Film, une Musique, un Message, un Regard… UN CHEF D’OEUVRE. Parlons musique justement !!
Pour nous tenir dans une constante tension, Olivier Lallart lui a donné une place toute particulière. Amateur d’électro, ce sont ses influences et beaucoup de coups de cœur qui l’ont amené à construire une partie du scénario, demandant parfois même aux acteurs de s’imprégner de certains morceaux pour s’ouvrir d’avantage aux émotions. Un travail à contre courant donc, qui apporte une fraicheur supplémentaire et singulière. Le réalisateur s’est également entouré de jeunes producteurs, à qui il a laissé un bonne part d’imagination tout en sachant exactement vers quelles contrées il voulait les mener, pour un résultat plus que convainquant. J-Zeus, tout d’abord, avec qui il a déjà pu collaborer sur de nombreux projets antérieurs et Mekias ensuite, artiste de l’Oise de 18 ans lors du projet.
Et parce qu’on est jamais mieux informé que par les instaurateurs d’un projet aussi riche, nous avons directement demandé à Olivier Lallart et Mekias, qui ont volontiers répondu à nos questions, de nous en dire plus sur leurs recherches et leur travail. Merci à eux;-)

 

Olivier : comment as tu choisi les artistes pour les créations originales ?
C’est avant tout un des rares films ou j’ai été inspiré à la base par les musiques. Quand j’ai écris le scénario, en un week end, j’écoutais en même temps des artistes et musiques que j’aime et ce sont même parfois
ces morceaux qui m’ont directement amené à écrire des scènes. Pour la scène finale de bal par exemple, je voulais initialement intégrer un morceau de Clairity. Pendant qu’on tournait la scène je mettais cette musique ce qui a apporté beaucoup d’émotion aux acteurs. Malheureusement nous n’avons pas eu les droits pour l’utiliser au montage.
Sur 5 artistes connus, 2 nous ont accepté les droits (Rone et White Sea). Concernant la BO, Je connaissais déjà bien J-Zeus. Il travaille sur tous mes films depuis 2012.

 

 

Mekias Peux tu nous en dire un peu plus sur toi, ton parcours, tes influences ?
J’ai 20 ans. J’ai commencé la musique à 3 ou 4 ans au conservatoire. Au fil des années, j’ai appris piano, le piano jazz, le saxophone, le chant lyrique… j’ai intégré une chorale et un orchestre symphonique. A 15 ans je me suis  mis à la MAO et j’ai commencé produite et à écrire. Mes influences musicales sont Metronomy, Crystal Castle, Mylène Farmer, La Femme, Shortparis, Deux et je compose essentiellement avec des synthés entêtants, des basses puissantes et des gros kicks à la croisée de l’électro, de la pop et de la new wave, le tout avec des paroles en français.

 

Olivier : Chaque thème musical donne un ton plus ou moins grave, énigmatique, mélancolique, érotique même. Pour ces séquences mise en musique as tu laissé carte blanche à Mekias & J-Zeus ?
Alors… Oui et non. J-Zeus produit essentiellement des musiques dancefloor, rythmées et joyeuses. Je l’ai simplement orienté sur des idées que j’avais déjà comme Marshmello et je voulais le même mood, un peu délire pour la scène de fête d’intro et la première musique du bal. Concernant Mekias, son travail a été plus compliqué car je voulais qu’elle retranscrive l’émotion du track de Clairity qui nous avait tous
marqué, à la fois aérien tout en restant grave, avec des chœurs. De son côté, elle m’a fait la proposition des paroles « Take my hand and kiss me baby… » qui était très intéressante et collaient parfaitement à la scène. On a donc retravaillé l’ensemble et aujourd’hui le résultat est là. C’est le morceau que tout le monde nous demande sur les réseaux sociaux. Pour le morceau « Défense passive », où Thomas et Esteban s’embrassent sous l’escalier, j’étais attaché au départ à « Sexual Sportwear » de Sebastien Tellier . Je voulais vraiment retrouver cette mélancolie, cet érotisme, ce que j’appelle un peu « sad électro » et finalement, j’ai envie de dire que son travail dépasse le morceau initialement choisi dans ce contexte.

 

Mekias : Comment as tu procédé pour créer les différents thèmes en fonction de tes propres influences tout en suivant les directives d’Olivier ? Le film t’as t’il directement inspiré ou as tu exploré différentes pistes ?
Je me souviens que les extraits qu’Olivier m’avait envoyés étaient accompagnés des musiques qu’il voulait intégrer initialement, ce qui m’a aidé à comprendre les envies. Ensuite mon travail était de capter l’ambiance des scènes et de retranscrire au mieux les idées du réalisateur. Au départ, je ne devais faire que « Défense passive ». Ça a été très rapide car la scène était très inspirante mais surtout explicite En une nuit j’ai composé le morceau et il a tout de suite aimé la proposition. Suite à ça il m’a proposer de composer la scène du bal. La pression était plus grande. C’est une scène marquante du film, avec beaucoup d’enjeux, d’autant plus qu’à l’origine, Olivier avait une musique à laquelle il tenait beaucoup, donc je devais créer quelque chose qui lui permettrait de faire le deuil de la musique initiale. Contrairement à « Défense passive » Il y a eu beaucoup de versions différentes de la chanson pour arriver au résultat que l’on connait aujourd’hui. Finalement après plusieurs semaines d’expérimentation, le morceau « Take my hand » a été finalisé.

 

Olivier : Tu as misé plus sur les musiques électroniques mélodieuses, parfois un peu Eighties. Etait-ce un choix délibéré pour le film ou selon tes propres goûts musicaux ? Quels sont ils d’ailleurs, et influencent t-ils d’une certaine manière ta façon de mettre en scène les différentes actions ?
Je dirais que ce sont plus mes goûts musicaux. Je suis peut être un mec un peu oldschool. J’aime beaucoup Simon Fransquet, qui nous a d’ailleurs gracieusement prêté son morceau « So Close », lorsque Thomas se retrouve seul après son agression, qui me touche énormément et également Roman Pierce, qui lui aussi nous a laissé utiliser deux de ses productions. C’est aussi la première fois que j’inclue directement des liens musicaux dans un scénario. Pour chaque scène, était notifié le nom de chaque track, le timecode. Quand j’ai mis en ligne le scénario, chacun pouvait entendre le thème musical associée à chaque scène,
chose qu’on ne fait jamais habituellement. Je me suis permis de le faire car pour moi la musique est comme un personnage à part entière dans ce film. Je ne me définis pas comme un grand mélomane, mais pour le coup, dans cette création il y a vraiment toutes mes influences et ce que j’écoute autant en électro d’ambiance que plus lounge ou dark « sad » et des référence à des artistes comme Tellier ou Para One.

 

Mekias : Au vu de ton parcours et de tes influences, avais tu déjà envisagé de faire du sound design avant de travailler sur ce film ? Que t’as apporté cette expérience ?
Ce court métrage était ma première fois en tant que sound designer. J’ai vraiment abordé la création de manière sereine, comme une nouvelle expérience enrichissante. A vrai dire, ce métier m’était inconnu avant. Cette expérience m’a enrichi dans le sens ou habituellement je compose pour moi même. C’est à dire que quand je travaille, je pense à l’interprétation, à ce qu’il pourrait donner sur scène et sur tout il faut que ça me plaise. Ici, c’est totalement différent car je compose pour un réalisateur, pour un film alors la méthode est nouvelle. Il faut que la musique lui plaise mais aussi qu’elle permette au spectateur de mieux vivre la scène. Ça demande un vrai travail de projection, il faut ressentir les émotions des personnages et se détacher des siennes pour être le plus juste possible. Cette expérience m’a ouvert des horizons plus vastes, c’est une méthode de composer particulière qui me plait beaucoup, je pense que si c’était à refaire je dirais oui sans hésiter.

 

Olivier : Tu utilises la B.O. de « Bang Gang », un film qui traite de la sexualité libérée chez les jeunes, pour la scène de sport ou Thomas, le personnage principal, le visage grave, est lui en plein questionnement et dans une totale solitude intérieure. Une référence voulue ?
Oui complètement. C’est un film que j’ai adoré. Je suis très touché par les histoires qui traitent de l’adolescence, peut être aussi par rapport à mon histoire personnelle. « Smell of Us » de Larry Clark par exemple m’avait beaucoup marqué. On a vraiment eu de la chance d’avoir eu les droits pour intégrer cette BO de « Bang Gand » car je l’écoute souvent depuis la sortie du film. C’est une référence voulue, donc, bien sûr.

 

Olivier : Pour clôturer ton film, tu as opté pour « Brest » de Rone, un des plus grands producteurs de la scène électronique de ces 10 dernières années . Le choix d’un artiste français à l’honneur pour sublimer cette fin éprouvante et emblématique était il une évidence ou un pur hasard ?
C’est un plus je dirais. Je ne suis pas allé le chercher directement parce qu’il est Français mais j’en suis très content. On a quand même de la chance de vivre dans un pays riche en artistes de musique électronique donc c’est une chance de pouvoir utiliser leurs tracks. Rone a été touché par le projet, il nous a donc laissé intégrer « Brest » et j’en suis très fier. Je me suis vraiment servi de ce morceau pendant du tournage. Lorsque mes acteurs Paul (Esteban) et Jacques (Thomas) devaient s’embrasser, que la camera leur tournait autour, je les dirigeaient sur le moment où ils devaient tourner la tête, directement calqué sur le rythme du morceau et au montage ça colle parfaitement.

 

Mekias : Quels sont tes projets ? Un petit mot pour la fin ?
Je suis suis en phase de composition d’un EP. Je rêve que nous retrouvions la vie d’avant, que les salles de concert rouvrent, que tout s’arrange pour pouvoir remonter sur scène,
faire découvrir ma musique et faire vivre tout ces morceaux qui dorment dans mon ordi.

A VOIR, A REVOIR… ET A PARTAGER D’URGENCE
TOUS LES LIENS ICI :
LA BANDE ANNONCE : https://www.youtube.com/watch?v=fZgu1NoZyqA
LE FILM : https://www.youtube.com/watch?v=jdrKMlaMAeM
LE MAKING OF : https://www.youtube.com/watch?v=KO30obzn98E
LA PLAYLIST DU FILM : https://www.youtube.com/playlist?list=PLeJ2Ghj81RmaQe0D1oYr23Ek50_V_uA