Arnaud Rebotini par Olivier Pernot

Arnaud Rebotini par Olivier Pernot

« Ce live à Avignon va être magique ! »

Après être venu récemment en DJ à la Halle Tropisme à Montpellier, Arnaud Rebotini revient dans le Sud cet été. Il propose à Avignon une version scénique de la musique qu’il a réalisée pour le film « 120 battements par minute ». Une bande son pour laquelle il a reçu le César de la Meilleure musique originale en 2018. Ce concert exceptionnel, organisé par le Festival d’Avignon et le Festival Résonance, va se dérouler le mardi 23 juillet dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Joint par téléphone, Arnaud Rebotini nous en dit plus. Il nous parle aussi de son travail pour le cinéma et pour la danse, et donne quelques indications sur son nouvel album prévu pour 2020.

Le succès du film 120 battements par minute et le César que tu as reçu pour sa bande son ont-ils permis la mise sur scène de ce projet ?

Avec Robin Campillo, le réalisateur du film, nous avons cherché à faire un concert autour de la bande son de 120 battements par minute. Peut-être dans l’espoir d’optimiser notre chance d’avoir le César… Le concert s’est fait, mais bien après les César finalement. Ce qui est sûr, c’est que le succès du film a aidé à monter ce concert à la Philharmonie à Paris à l’occasion de l’Exposition Electro (1). A l’époque où nous avons envisagé ce concert, le film avait déjà fait 800 000 entrées. Finalement, j’ai eu le César et le film a été un grand succès (2). Tout cela a favorisé la tournée du projet en live, avec une douzaine de dates entre ce printemps et cet été.

Comment as-tu justement imaginé cette mise sur scène, avec des musiciens ?

Cette bande son n’est pas qu’une bande son électronique. Elle a écrite et enregistrée avec des vrais instruments. Je voulais donc qu’on les retrouve sur scène. L’année 2000, dans la continuité de l’album de mon projet Zend Avesta, j’avais déjà fait une tournée avec des musiciens. J’avais envie de récréer cette énergie. Nous sommes donc huit sur scène : un second claviériste avec moi, un percussionniste qui joue aussi du vibraphone et du marimba, un violoniste, une violoncelliste, un flûtiste, une clarinettiste et une harpiste. Ce sont tous des musiciens avec qui j’enregistre régulièrement ; certains depuis une dizaine d’années.

Pourquoi l’ensemble s’appelle le Don Van Club ?

C’est en référence à Don Van Vliet, le vrai nom du musicien Captain Beefheart. J’aime beaucoup sa musique, qui est à la fois pop et ultra expérimentale. Je trouve que cela correspond bien à la musique que je fais avec ces musiciens : il y a un esprit contemporain, de recherche sonore, une originalité et quelque chose aussi de très pop.

Comment as-tu construit ce concert, avec donc d’autres musiciens sur scène ?

C’est sûr que je suis moins actif sur scène. Mais j’ai quand même quelques passages en solo. C’est un concert très écrit mais chaque instrumentiste peut faire varier sa partition par son interprétation. Les morceaux ont été assemblés pour créer une dramaturgie propre au concert. Ils ne sont donc pas dans l’ordre du film ou dans celui du disque. En rappel, nous jouons aussi des nouveaux morceaux.

As-tu réussi à amener le projet sur scène là où tu voulais ?

Quand je fais un live techno en solo, il y a peu de dynamique. Mais ça reste dansant. Là, avec les musiciens, le public voyage plus dans la dynamique, la puissance et les timbres. C’est un concert très musical. J’ai d’ailleurs réécrit des parties de la bande son pour mieux l’adapter à la scène. Je suis très content du résultat : c’est exactement comme je l’avais imaginé. J’ai de la chance d’être entouré par des supers musiciens et par une équipe technique incroyable. Pour ce live, je travaille avec l’équipe technique, son et régie, d’Einstürzende Neubauten. Comme le groupe est en studio, j’ai pu récupérer son équipe technique qui fait les lives et qui a l’habitude de travailler avec beaucoup de musiciens sur scène.

Tu vas jouer à Avignon, dans le cadre du Festival d’Avignon, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes. Cela t’impressionne-t-il ou finalement c’est une date comme une autre ?

Non, évidemment, ce n’est pas une date comme les autres ! C’est un moment à part dans la programmation du Festival d’Avignon, qui est plus tourné vers le spectacle vivant. J’attends donc ce concert avec joie. Ce live à Avignon, dans ce lieu-là, cela va être magique !

Après 120 Battements par minute, tu as signé deux autres bandes originales, pour les films Le Vent tourne et Curiosa. Les propositions sont-elles plus nombreuses depuis ton César ?

Finalement non. Car ces deux bandes originales, elles étaient déjà prévues et je travaillais dessus avant les César. Et depuis, rien, aucune proposition. Ce que je propose comme musique pour un film, avec mes synthés et d’autres instruments, est particulier et ne peut pas correspondre à tous les long-métrages. Finalement que je n’ai pas d’autres propositions, ce n’est pas plus mal car je ne veux pas faire que ça.

Que t’a apporté la collaboration avec le chorégraphe Alban Richard et le Centre chorégraphique national de Caen en Normandie autour de la pièce Fix Me ?

Une expérience de création, en travaillant avec Alban Richard, et une expérience de scène en me retrouvant au milieu des danseurs, au milieu de leur énergie. La pièce Fix Me va encore tourner pour une douzaine de dates sur la saison 2019/2020. Le disque de la musique de Fix Me vient d’ailleurs de sortir. C’est une version retravaillée et enrichie par rapport à la musique proposée sur scène. Sinon, là non plus, comme pour le cinéma, je n’ai pas d’autres projets chorégraphiques en vue. Je vais profiter de l’année 2019 pour retourner à mon cœur de métier : la création de musique pour moi. C’est à dire mon nouvel album !

Comment imagines-tu ce nouvel album ?

Ce sera un croisement de toutes les musiques qu’on connait de moi. Celle de mon projet Zend Avesta, avec le côté acoustique apporté par les instruments du Don Van Club : Celle que je réalise pour le cinéma, plus synthétique. Cet album aura aussi un aspect club sur certains titres. Hormis les musiciens, ce ne sera pas un album avec des invités vocaux. Je vais chanter plus, comme dans Blackstrobe. J’aimerais sortir cet album au printemps 2020.

En dehors de toutes tes activités liées à la création de musique, tu diriges aussi le label Blackstrobe Records. Les seules sorties du label en dehors de tes propres productions sont celles d’artistes proches comme Museum, Fabrizio Rat, Cabaret Contemporain ou David Carretta. L’amitié est-elle la ligne artistique du label ?

Oui, car c’est vrai que ce sont toujours des musiciens dont je suis proche. Et non, car je sors avant tout des projets exceptionnels. L’amitié ne fait pas tout ! Pour Blackstrobe Records, je n’ai pas de direction artistique forte : ce sont avant tout des signatures spontanées autour de projets qui me plaisent. Pour David Carretta, il voulait vendre ses synthés et arrêter la musique. Je lui ai dit qu’il ferait mieux de faire un nouvel album. Comme je lui ai quasiment commandé un album, je me devais de le sortir !

Interview réalisée par Olivier Pernot

(1) Exposition Electro : de Kraftwerk à Daft Punk, jusqu’au 11 août 2019, Philharmonie de Paris. https://philharmoniedeparis.fr/fr/expo-electro

(2) Le film a réalisé environ 850 000 entrées en France et 200 000 entrées à l’étranger. Il reçu de nombreuses récompenses : Grand Prix du Jury au Festival de Cannes et six César dont celui de Meilleur film et Meilleur scénario original.

> A voir : Arnaud Rebotini et le Don Van Club, concert 120 battements par minute, Philharmonie (Paris)

https://live.philharmoniedeparis.fr/concert/1096496/arnaud-rebotini-et-le-don-van-club-jouent-120-battements-par.html